1970-1983 L’Engagement

1960-1987, 6 Coups d’Etat et 3 Républiques

Compaoré entrait dans l’adolescence lorsque la Haute-Volta, ainsi nommée sous la colonisation française, devint un Etat indépendant le 5 août 1960. De 1960 jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Compaoré en 1987, le pays connut 6 coups d’état et 3 Républiques différentes. Il fallut attendre 1987 pour que cesse cette succession chaotique de régimes autoritaires (66).

Pendant toute cette période, un seul président fut élu à travers des élections. La gouvernance fut quasiment totalement assurée par des régimes politico-militaires : parmi les 5 présidents à la tête de la jeune République, 4 étaient affiliés à l’armée (67). Tous furent chassés de la présidence de force, puis envoyés en résidence surveillée, à l’exception du Capitaine Thomas Sankara qui périt lors du putsch du 15 octobre 1987 (68).

DATES IMPORTANTES

  • 1974, 8 février : 2ème coup d’état du Président Sangoulé Lamizana
  • 1977, 30 novembre : naissance de la Troisième République
  • 1978 : Compaoré s’inspira du marxisme
  • 1980, 25 novembre : 3ème coup d’état par Colonel Saye Zerbo
  • 1982 : entraînement de perfectionnement d’officier spécial commando de parachutistes à Pau, France

1970-1980, carrière militaire et engagement politique

blaise compaore-president maurice yameogoLe régime autoritaire du premier président Maurice Yaméogo provoqua une révolte nationale. Le dirigeant fut renversé par des manifestants le 3 janvier 1966. Dans un coup d’Etat sans effusion de sang, le chef d’État-major de l’armée Sangoulé Lamizana succéda à Yaméogo pour instaurer un gouvernement militaire (69). 1970 fut l’année de la nouvelle Constitution, adoptée le 29 juin (70). Plusieurs partis politiques participèrent aux premières élections législatives en décembre 1970 (71).

Blaise, initiateur des mouvements étudiants

Pendant cette brève mais intense phase d’évolution politique au Burkina Faso, le jeune Blaise était lycéen à l’École Normale de Ouagadougou (E.N.O.) ; à plusieurs reprises, il se retrouva à la tête de mouvements pour les droits des étudiants (72).

Blaise Compaoré enrégimenté de force

En 1971, après une manifestation d’étudiants, « l’enfant terrible de Ziniaré » Blaise Compaoré fut enrégimenté de force dans le contingent spécial de l’Armée (73). Ce qui était censé être une punition se révéla être une aubaine pour le jeune homme, qui rêvait depuis toujours de devenir soldat comme son père (74). Bientôt, Compaoré fut affecté à la protection de la maison du Président de la République Sangoulé Lamizana (75).

1973-1976, en formation militaire à l’étranger

blaise compaore- Burkina Faso president Sangoule Lamizana

Président Sangoulé Lamizana
(1966-1980)

La Deuxième République connut une impasse politique à l’approche des élections présidentielles de 1975. Le 2 février 1974, les syndicats sommèrent le chef d’état de « …mettre fin au plus vite à cette situation intenable (76). » Un coup d’Etat s’ensuivit. Le 8 février, le Président Lamizana dissout l’Assemblée Nationale ainsi que le gouvernement, et remilitarisa les institutions (77).

À cette même époque, Compaoré était à l’étranger. En septembre 1973, il réussit le concours d’entrée pour rejoindre l’Académie Militaire Interarmées du Cameroun (78). Le jeune officier suivit plusieurs formations militaires loin de chez lui: une spécialisation à l’École d’infanterie de Montpellier, des programmes pour devenir instructeur de commando à Mont-Louis, Collioure, Briançon et Montgenèvre (France), ainsi qu’à Münsingen (Allemagne), puis un stage dans les Troupes aéroportées de France et en 1978 une formation pour devenir instructeur parachutiste à Rabat (79) (Maroc).

A deux reprises en 1982, le Capitaine Blaise Compaoré se perfectionna au métier d’officier parachutiste à Pau, notamment dans les techniques de chute libre à très haute altitude, la chute opérationnelle d’équipements militaires et le commandement de parachutistes.

Compaoré et le Communisme

Indigné par la misère sociale, les famines et les programmes inadaptés du gouvernement pour y répondre, Compaoré s’inspira du marxisme au moment où les effets induits de la guerre froide dans des conflits régionaux dans le tiers-monde s’intensifiaient : la guerre du Vietnam, les coups d’états au Chili, en Uruguay et en Argentine, ainsi que les guerres du Kippour et de l’Ogaden en Afrique (80).

Les années 1973-1977 furent également marquées par de fortes tensions à Ouagadougou. Un gouvernement de transition fut instauré le 9 février 1976 et le 30 novembre 1977, une nouvelle Constitution fut adoptée (81).

Lors de la troisième République, le Président Lamizana, à la tête du parti UDV-RDA, remporta les élections présidentielles avec 56 % des voix, le 28 mai 1978 (82). Ensuite, aucune élection présidentielle n’aura lieu pendant 13 ans. Ce n’est qu’en 1991, après l’arrivée de Compaoré au pouvoir, que le pays organisera, pour la deuxième fois, des élections présidentielles (83).
La troisième République ne durera pas longtemps non plus. Un climat d’agitation politique s’abattit de nouveau sur le pays lorsque le Président Lamizana se révéla incapable de former une majorité stable avec laquelle gouverner, ce qui eut pour conséquence d’accroître les tensions politiques (84).

Un tel climat d’instabilité permanente bénéficiera au parti d’extrême gauche, fort d’une longue expérience de la vie politique en Haute-Volta (85). Le parti communiste « Parti Africain de l’Indépendance de Haute-Volta » fut fondé en 1963.
L’engagement révolutionnaire de Compaoré se renforça au cours de la troisième République. Après des stages de formation et de perfectionnement en France, au Maroc et en Allemagne, Compaoré retourne au pays pour occuper des fonctions supérieures dans l’armée nationale (86). En mai 1978, il fut affecté à la Compagnie d’intervention aéroportée (CIA) de Bobo-Dioulasso (87). En 1980, il devint l’aide-de-camp du chef d’État-major des Armées (88).

1980-1983, un climat de coup d’état permanent

blaise compaore -burkina Faso troisieme president saye zerbo

Président Saye Zerbo
(1980-1982)

Un troisième coup d’état, perpétré le 25 novembre 1980, mit fin à la troisième République et ouvrit la voie à une décennie de perpétuelle instabilité politique (89). Il fut mené par le Colonel Saye Zerbo, ancien ministre des Affaires étrangères du Président Lamizana de 1974 à 1978, avec le soutien des forces gauchistes. Le Cardinal Paul Zoungrana, qui désapprouvait la politique pro-arabe de Lamizana, qualifia le coup d’état « de bénédiction divine » (90).

Le Président Zerbo instaura son régime d’exception sans délai, avec fermeté, supprimant le droit de grève, limitant la liberté de la presse, et imposant de nouveau un système de parti unique avec le « Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National » (CMRPN) (91). Blaise Compaoré et Thomas Sankara, alors de jeunes officiers dont les idées étaient bien plus progressistes que celles du Président Zerbo, rejoignirent le CMRPN (92). Sankara fut brièvement nommé secrétaire d’État chargé de l’information du pays (93). Au même moment, Blaise Compaoré dirigeait le Centre national d’entraînement commando (CNEC) à Pô, dans le sud-est du pays (94). C’est à partir de cette période que Compaoré devint un acteur politico-militaire de premier plan (95).

DATES IMPORTANTES

  • 1982 mars : Président Saye Zerbo interdit le droit de grève
  • 1 avril : Compaoré démissione du CMRPN
  • 14 mai : Compaoré, Sankara et Zongo sont emprisonnés
  • 7 novembre : 4ème coup d’état par le CPSP
  • 8 novembre : Jean-Baptiste Ouédraogo, Président du CSP

Compaoré démissione du CMRPN

Déçu par l’absence totale de vision du CMRPN, le Capitaine Compaoré envoya sa lettre de démission de ce comité militaire au Président Zerbo, dénonçant officiellement le pilotage à vue et l’improvisation comme méthodes de gouvernance. Ses compagnons les Capitaines Henri Zongo et Sankara suivirent son exemple ; Sankara démissionnera le 12 avril 1982, prenant soin de médiatiser son acte. Henri Zongo l’avait précédé une semaine plus tôt, le 8 avril (96).

blaise compaore -president jean baptiste ouedraogo

Président Jean-Baptiste Ouédraogo 1982 – 1983

Compaoré emprisonné

Compaoré, Sankara et Zongo furent emprisonnés le 14 mai 1982, respectivement à Bobo Dioulasso, Dédougou et Ouahigouya, pour avoir distribué une copie de leurs lettres de démission dans les casernes. Ils furent relâchés au bout de trois mois, destitués de leurs grades d’officiers (97).

Le coup d’état de novembre 1982

Le 7 novembre 1982, un nouveau coup d’état fut perpétré par des membres de l’armée divisée (98). Compaoré et Sankara proposèrent au groupe de rebelles de prendre le nom de « Conseil Provisoire du Salut du Peuple » (CPSP), devenu par la suite le « Conseil du Salut du Peuple » (CSP) (99). Cette même nuit, avec trois hommes et un char d’assaut, Compaoré se mit en route vers la demeure du Président Zerbo, puis alla à la rencontre du Président afin de l’inviter à le suivre (100). Compaoré rejoignît Sankara et Zongo à Bobo-Dioulasso (101) où le médecin militaire Jean-Baptiste Ouédraogo fut nommé président et chef du CSP. Thomas Sankara devint son premier ministre le 10 janvier 1983 (102).