Un Système Démocratique Approuvé par la Communauté Internationale
Malgré le manque de ressources financières et la faible alphabétisation des populations, Compaoré parvint à ériger progressivement un système démocratique et des institutions républicaines qui, dans leur globalité, furent approuvés par la communauté internationale (168). Bien que considérés comme inachevés, ses efforts constants de démocratisation furent qualifiés par Freedom House d’évolution positive des droits politiques et des libertés civiles (169).
Entre 2002 et 2014, à l’exception de 2005, le Burkina Faso parvint à répondre aux deux normes nécessaires pour être considéré comme une démocratie, selon les indicateurs en vigueur au Center for Global Development : il obtint 4 au classement de Freedom House, et 0 au classement de Polity IV (170). Après le départ de Compaoré, le classement Freedom House du pays chuta (171).
L’indice de démocratie créé par l’Economist Intelligence Unit classa le Burkina Faso 112ème sur 167 pays en 2013, en amélioration par rapport au classement de 2012, le considérant comme étant un régime hybride, la dernière étape avant d’intégrer la catégorie de « pleine démocratie ». En 2012, il y avait seulement 10 pays africains qui appartenait à cette catégorie.
Des résultats jamais contestés par la communauté internationale
En 1988, Blaise Compaoré introduisit le multipartisme (172). Il était candidat aux élections présidentielles avec 3 autres membres de l’opposition. Mais au dernier moment, tous les candidats, à l’exception de Compaoré, abandonnèrent le principe du suffrage universel pour défendre le dispositif de Conférence nationale souveraine, une alternative promue par la France aux élections par suffrage universel (173).
Blaise Compaoré refusa cette alternative française, la considérant comme étant anti-démocratique. Selon Compaoré, la forme de démocratie la plus achevée ne se réalise que par l’expression du vote populaire, à travers le suffrage universel. Par ailleurs, il fallait selon lui respecter la Constitution adoptée par référendum (174). En décembre 1991, avec son parti l’ODP/MT, il fut le seul candidat à se présenter aux élections présidentielles. Parmi les 25,28 % de la population ayant voté, 86,1 % le choisirent (175).
De nombreux partis politiques virent le jour à partir de 1989 ; 140 furent recensés en 2008 (176). Face à une telle dispersion politique, Blaise Compaoré n’eut aucune difficulté à gagner quatre élections présidentielles, récoltant à chaque fois plus de 80 % des voix (177) et les résultats ne furent jamais contestés par la communauté internationale (178) : International Crisis Group.
Élections présidentielles et réformes électorales
Le 5 février 1996, Compaoré créa le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), en fusionnant le parti ODP/MT avec treize autres. Avec le CDP, Compaoré fut réélu en 1998 avec 87,5 % des voix, contre deux opposants (179).
En 2000, afin de renforcer la démocratie, les réformes du code électoral inclurent la création d’un organisme de surveillance du nom d’Observatoire National des Élections (ONEL), l’introduction de la représentation proportionnelle aux élections législatives et le bulletin unique (180).
La limitation à deux mandats présidentiels consécutifs fut réinstaurée, mais cette loi n’était pas rétroactive, ce qui permit à Compaoré de se présenter de nouveau aux élections en 2005 malgré ses deux précédents mandats de sept ans chacun.
Les hommes politiques de l’opposition ont déclaré son souhait de se représenter en 2005 comme anticonstitutionnel à cause de l’amendement constitutionnel passé en 2000, limitant un président à deux mandats et réduisant la longueur d’un mandat de sept à cinq années, empêchant ainsi Compaoré d’entreprendre un troisième mandat.
Les partisans de Compaoré ont contesté ceci, arguant que l’amendement ne pouvait pas être appliqué rétroactivement (181). Malgré les objections de l’opposition, en octobre 2005, le Conseil constitutionnel a jugé que Compaoré étant un président en exercice en 2000, l’amendement ne pouvait pas prendre effet avant la fin de son second mandat, l’autorisant ainsi à présenter sa candidature à l’élection de 2005.
Le 13 novembre 2005, Compaoré est réélu face à 13 autres candidats en étant crédité de 80,35 % des votes. Le candidat de l’Union pour la Renaissance / Mouvement Sankariste (UNIR/MS) arriva en seconde position, avec seulement 4,85 % des voix (182). Bien que 16 partis de l’opposition aient annoncé une coalition pour empêcher Compaoré de garder le pouvoir, personne n’a finalement voulu abandonner son poste à un autre chef de la coalition et l’alliance a échoué. Compaoré a prêté serment pour un troisième mandat présidentiel le 20 décembre 2005 (183).
Le rapport du Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs (MAEP) concernant le Burkina Faso fut publié en 2008. Il louait :
« Les efforts et progrès réalisés pour la consolidation de la démocratie, avec 140 partis politiques et plus de 140 000 associations »
MAEP, 2008
Il identifiait également comme problématique :
« La suprématie omniprésente et écrasante de la majorité, qui semble ‘bloquer’ le système démocratique et asphyxier la politique multipartiste » Ce rapport invitait les autorités à « fournir des réponses et solutions appropriées pour permettre aux changements nécessaires d’avoir lieu (184). »
Les réformes de 2009 favorisèrent la transparence et l’équité (185). L’égalité des chances pour tous les candidats aux présidentielles était censée être désormais garantie grâce à la nouvelle composition de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) : cinq membres de la majorité, cinq membres de l’opposition et cinq membres de la société civile dont un représentant d’une organisation des droits de l’homme, un représentant de l’église catholique, un représentant de l’église protestante, un représentant de la communauté musulmane et un chef traditionnel. Le président de la CENI était désormais élu parmi les 5 membres non-politiques de la CENI, par ses 15 membres (186).
La biométrie dans l’enrôlement des électeurs fut introduite. Le processus électoral fut considérablement amélioré par ces réformes de 2009. De plus, le droit de vote aux élections présidentielles et référendums fut étendu aux burkinabè résidant à l’étranger pour les élections présidentielles de 2015. Mais ces citoyens furent écartés aux élections de 2015 par le gouvernement de Transition.
Le 25 novembre 2010, Blaise Compaoré, faisant face à six opposants, fut réélu dès le premier tour de scrutin à la tête du Burkina Faso, avec 80,15 % des suffrages exprimés, pour un dernier mandat (187).
Dernières élections parlementaires et municipales sous Compaoré
Compaoré mis en place en 2012 l’enregistrement biométrique des électeurs, améliorant ainsi la traque à la fraude dans le processus électoral, mais ce dispositif ne concernait que 4,4 millions d’électeurs sur un total estimé à plus de 8 millions selon les calculs de la CENI (188).
La transparence lors des élections de 2012 fut renforcée par la mise en place d’un système moderne comme la biométrie électorale. Les élections parlementaires et municipales se déroulèrent de manière plus efficace et plus libre selon l’opinion locale et internationale (189) ; mais l’opposition arguait que le parti au pouvoir détenait encore un accès privilégié aux ressources de l’Etat (190).
Les partis suivants participèrent aux élections législatives de 2012 :
- Alliance pour la Démocratie et la Fédération/ Rassemblement Démocratique Africain ou ADF/RDA (Gilbert Noël OUEDRAOGO)
- Mouvement Africain des Peuples ou MAP (Victorien TOUGOUMA)
- Congrès pour la Démocratie et le Progrès ou CDP (Assimi KOUANDA)
- Le Faso autrement (Ablassé OUEDRAOGO)
- Organisation pour la Démocratie et le Travail ou ODT (Mahamoudou SAWADOGO)
- Parti pour la Démocratie et le Progrès – Parti Socialiste ou PDP-PS (François O. KABORE)
- Parti pour la Démocratie et le Socialisme/Metba ou PDS/Metba (Philippe OUEDRAOGO)
- Parti de la Renaissance Nationale ou PAREN (Tahirou BARRY)
- Rassemblement pour la Démocratie et le Socialisme ou RDS (François OUEDRAOGO)
- Parti pour le Développement du Burkina ou RDB (Célestin Saidou COMPAORE)
- Rassemblement des Ecologistes du Burkina ou RDEB (Adama SERE)
- Union pour le Progrès et Changement ou UPC (Zéphirin DIABRE)
- Union pour la Renaissance/ Mouvement Sankariste ou UNIR-MS (Benewende Stanislas SANKARA)
- Union pour la République ou UPR (Toussaint Abel COULIBALY)
- Alliance des Jeunes pour l’Indépendance et la République ou AJIR (Adama KANAZOE)
En décembre 2012, le parti de Compaoré, le CDP, remporta la majorité des suffrages aux élections parlementaires et municipales. Le CDP obtint 70 des 127 sièges de l’Assemblée Nationale monocamérale. Les deux autres principaux partis, l’ADF/RDA et le nouveau parti l’UPC, remportèrent chacun 19 sièges. Dix autres partis se partagèrent les 38 sièges restants. Au total, les partis pro-Compaoré obtinrent 97 sièges. Le CDP de Compaoré remporta également 320 des 359 municipalités (191).
Ces élections apportèrent quelques réponses aux questions soulevées par la crise de 2011. Tout d’abord, elles démontrèrent la capacité de résistance du CDP, ainsi que la robustesse de ses structures locales. Elles marquèrent également l’émergence d’une nouvelle opposition politique, l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), fondée en 2010 par un ex-membre du régime, Zéphirin Diabré, ancien ministre des finances de Compaoré. Son parti, l’UPC, devint le principal parti d’opposition avec 19 sièges, alors que l’Union pour la Renaissance/Parti Sankariste (UNIR/PS) ne remportait que 4 sièges (192).
L’opposition
La Constitution de 1991 garantit le droit de créer des partis politiques (193). Beaucoup de partis avaient été créés dès 1989, mais jusqu’aux élections législatives de 2012, aucun d’entre eux ne se démarqua réellement hormis le CDP de Compaoré (194). L’UPC était alors le principal parti d’opposition, et figurait parmi les trois principaux du pays (195). Les autres partis opposés au gouvernement étaient modestes en comparaison.
13 partis furent représentés à l’Assemblée nationale au cours de la dernière législature et jusqu’à sa dissolution en octobre 2014 (196). Avant la participation de l’UPC aux élections de 2012, le principal handicap de l’opposition était sa forte fragmentation (197). De plus, l’opposition manquait de moyens financiers, d’équipes expérimentées et de représentants locaux pour faire campagne. Comme l’International Crisis Group l’indique dans son rapport sur le Burkina Faso publié en 2013 (198) :
« Ce manque de compétences entraîne une difficulté à formuler des idées nouvelles ou un projet de société réaliste et cohérent »
International Crisis Group 2013
Les partis de l’opposition critiquaient régulièrement Blaise Compaoré, l’accusant de fausser le jeu démocratique du fait de son assise financière et de son pouvoir administratif. Ils réclamaient sa démission sans pour autant proposer de solutions constructives (199).
Paradoxalement, alors que Sankara continuait de représenter un symbole d’intégrité pour les populations, les partis néo-sankaristes, dont le principal était le parti UNIR/PS de Bénéwendé Sankara, ne parvinrent jamais à remporter les votes d’électeurs (200). Quatre candidats néo-sankaristes participèrent aux élections présidentielles de 2005. Mais, tous réunis, ils ne parvinrent pas à rassembler 10 % des votes.
Même après la révolution d’octobre 2014 et le départ de Compaoré, ils n’obtinrent que 3 sièges sur les 127 de l’Assemblée nationale lors des élections législatives en 2016 (201).
Aux élections présidentielles de 2015, les partis néo-sankaristes ne furent représentés par aucun candidat (202).