Victimes de Croyances en Sorcellerie

En 2016, 926 Victimes contre 332 en 2015

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Selon le Ministre de la Femme Laure Zongo Hien, « dans le Burkina Faso actuel de 2017 le phénomène de l’exclusion sociale des personnes accusées de sorcellerie prend de plus en plus d’ampleur, avec des zones de prédilection telles les régions du Nord, de la Boucle du Mohoun, du Plateau central, de l’Est, du Centre, et du Centre-sud ».

De vieilles femmes sont souvent accusées d’être des « voleuses d’âmes », et sont de ce fait coupées de tout lien avec le reste de leurs familles et de leurs villages, après avoir subi des traitements inhumains et dégradants.

Les statistiques donnent un tableau sombre ; en décembre 2016, 926 femmes étaient victimes d’exclusion sociale suite aux allégations de sorcellerie enregistrées dans des centres d’accueil, contre 332 personnes en 2015. Que s’est-il passé ?

Cette augmentation de près de 280 % en seulement un an du nombre des victimes de ces croyances aberrantes s’explique surtout par le fait que, depuis janvier 2016, des milices d’autodéfense ont été créées sur tout le territoire pour faire régner l’ordre dans les campagnes burkinabè. Dans ce contexte de milice et de justice populaire, la chasse aux sorcières s’est intensifiée.

Comme le signala Le Monde à propos de ce nouveau phénomène, « les koglweogo – signifiant gardien de la brousse en mooré – qui luttent contre les bandits de grand chemin ont la main lourde. Le gouvernement peine à leur faire abandonner la torture. » Le Monde leur a consacré un article le 11 mars 2016, car sous ces arbres que ces milices civiles appellent « leurs sièges », plusieurs supposés voleurs sont morts, attachés et torturés parfois pendant plusieurs jours jusqu’à ce qu’ils avouent leur culpabilité. Dans ce climat, le sort de ces vieilles « voleuses d’âmes » a empiré et le nombre de femmes accusées  de sorcellerie par la population a presque triplée en 2015.

A ce jour, les affrontements entre les koglweogo et les populations ont déjà coûté plusieurs vies humaines des deux côtés. Afin de mettre fin aux dérives, l’actuel Ministre de l’Administration du Territoire, de la Décentralisation et de la Sécurité Intérieure Simon Compaoré entend légaliser les koglweogo et les encadrer, ainsi qu’il l’a déclaré lors d’une conférence de presse le 4 février 2016.

Comment faire évoluer les mentalités et les croyances culturelles qui imprègnent tant les esprits ?

Aujourd’hui plus que jamais, des campagnes de sensibilisation sont indispensables sur tout le territoire burkinabè, comme ce fut le cas par le passé lorsque des initiatives de l’Etat et des films réalisés par des Burkinabè sensibilisèrent l’opinion publique sur la nécessité de lutter contre ce triste sort infligé à de nombreuses femmes dans les campagnes.

Le réalisateur burkinabè Idrissa Ouédraogo a traité de ce sujet dans son film Yaaba, décerné du Prix spécial du jury lors du FESPACO de 1989. Le dernier film en date est « Delwendé » de S. Pierre Yaméogo, faisant partie de la Sélection Officielle Un Certain Regard au Festival de Cannes de 2005. Depuis 1966, le centre Delwendé, signifiant « Dieu est avec nous » en mooré, accueille dans la capitale des femmes « sorcières » bannies de leurs villages.